lundi 18 août 2008

La Circonférence de l'Amour - Chapitre 14-2

Scène 5 : Intérieur – Appartement de Ron


Ron se réveille en sursaut. Assis au beau milieu de son lit, les draps rejetés sur le côté il est essoufflé et couvert de sueur. Pendant quelques instants il regarde dans le vide.
Puis il se lève, interdit, et se dirige vers la salle de bain.
Il en ressort douché et habillé – un pull jeté sur un jean délavé –, opérationnel pour une longue journée de labeur.
Il passe la porte et la claque derrière lui.

Scène 6 : Intérieur – Voiture de Ron


Il démarre, pousse un soupir puis enclenche la première vitesse.
Devant ses yeux défile le paysage –gris – de la ville. Des maisons, toutes les mêmes, des carrefours identiques, des quidam qui se ressemble tous.

Ron :
[voix Off]
Comment faire la différence entre tous ? Comment se différencier, échapper à la routine écrasante qui chaque jour nous use un peu plus ? Suis-je différent ? Non évidement, ni mieux, ni pire. Moi aussi je me débat vainement pour tente de survivre, si possible le plus longtemps et le moins douloureusement possible.

Il s’arrête devant un hôtel de luxe. Celui où se déroulera le tournage du jour.
Il tire sur le frein à main, et descend de la voiture.
Alors qu’il claque la portière, il sort son portable.

Ron :
Allô J.-C. ?

Une pause.

Ron :
Chambre 15 ? D’accord ; je suis devant l’hôtel.

Ron se dirige vers le palace, et en pousse la porte.

Scène 7 : Intérieur – Chambre du Palace


Tout le monde est déjà en place. Les caméra et l’éclairage sont installés. Le preneur de son tient sa perche d’une main, un café de l’autre. Deux actrices nues, conversent, assises sur le lit surdimensionné. Sur le seuil de la salle de bain, trois acteurs s’échangent leurs anecdotes de tournage, se vante de leurs performances et conquêtes diverses. A l’autre bout de la chambre, une jeune fille, habillée.

Ron :
(voix Off)
Ah, tient, une petite nouvelle. Sûrement la technicienne dont me parlait J.-C.. Plutôt mignonne – assez pour être devant et non derrière la caméra – et rousse, ce qui est suffisamment rare pour être remarqué.

Ron se dirige vers un grand homme aux cheveux grisonnant.

Ron :
Salut J.-C. ?

Il lui tend sa main à serrer.

Ron :
Ca va ?

J.-C. :
Plutôt bien et toi ? J’espère que t’es en forme et que t’arrivera à l’avoir bien dure toute la journée, car on a du travail.

Ron :
Ouais, t’inquiète pas. Toi tu réalise derrière ta caméra, et moi je m’occupe de la monter. Dis moi elle est plutôt mignonne la petite nouvelle que t’as engagée.

J.-C. :
Tu m’étonnes. Elle s’appelle Emie. C’est une québécoise. Quand je l’ai vu débarquer dans mon bureau j’ai cru qu’elle venait pour le casting. En fait elle est assistante réalisatrice. Viens je vais faire les présentations.

Il regarde Ron en souriant, comme pour lui signifier quelque chose, puis se dirige vers la belle rouquine.


Colin VETTIER

vendredi 8 août 2008

La Circonférence de l'Amour - Chapitre 14-1

Je regarde ma montre. Déjà 20h30. J’avais rendez-vous avec XXX à 20h. Il attendra. De toutes façons ce n’est pas la première fois. Cela lui laissera le temps de ranger son appartement, et peut-être même de faire à manger.
XXX n'est pas une mauvais cuisinier ; au contraire. Bien que ses plats soient souvent un peu gras, ils se révèlent souvent très flatteurs pour le palais. Et puis, ce n’est sûrement pas moi qui irais me plaindre de n’avoir qu’à glisser les pieds sous la table.

Lorsqu’à 21h je me présente à sa porte, l’endroit embaume d’un doux fumet.
« Ah, c’est toi ? » me lance-t-il alors qu’il m’ouvre la porte. « Je ne t’attendais plus. »
Son visage se fend d’un sourire. Je rougis. Il m’assoit puis part chercher la casserole laissée sur le feu à mijoter. Depuis la cuisine, il me demande comment s’est passée ma journée.
« Une journée typique juridiquement parlant. J’ai passé la journée à rédiger un dossier. Les demandeurs sont venus me trouver pour détailler leur plainte. Plus j’en apprends, moins j’ai envie d’en savoir. Ceci dit, je ne me plains pas, je gagne suffisamment bien ma vie comme cela. »
Il rapporte un pot-au-feu qui m’a l’air des plus délicieux. Je le regarde droit dans les yeux en souriant et en papillonnant légèrement. Cela le trouble.
«  J’en ai marre du célibat. J’ai vraiment très envie de faire l’amour. »

Il en lâche quasiment la casserole de surprise. Il me regarde, la bouche béante pendant quelques secondes. Ne sachant sur quel pied danser, il choisit d’aborder la chose avec humour.
« Tu veux que je te fasse jouer une scène demain ? On tourne justement un gang bang avec trois jeunes filles et deux hommes, et il nous manque une actrice rousse.
et pourquoi pas une scène de sodomie tant que tu y es.
- Ah, ça c’est sûr, tu n’y coupera pas. Si tu n’acceptes pas les pratiques anales, ton rôle, tu peux t’asseoir dessus. 
- Très drôle ! »

Voilà comment XXX ne se mouille jamais. Il désamorce toutes les situations équivoques avec humour, de peur d’avoir mal interprété les perches qui lui sont tendues. Au lieu de se jeter sur une opportunité, il attend que l’opportunité se jette sur lui. Tant pis, pour lui, comme pour moi.

Mon assiette à moitié consommée devant moi, je reprends la conversation là où elle s’était arrêté avant cette petite déviation.
« Bon, et toi ta journée alors ?
- La scène de groupe qui était programmée aujourd’hui s’est révélée bien moins impressionnante que prévue. Le cadre semblait encore un peu vide, alors on a fait intervenir le perchiste, l’assistant réalisateur et la maquilleuse. C’était leur baptême du feu, alors il a fallu les encourager longuement. A la fin de la journée on a sabré le champagne, car leurs performances se sont révélées très honnêtes. Finalement, le résultat est assez impressionnant, il y a presque 6 heures de bande. Je te montrerais la vidéo si tu veux.
- Non, sans façon, merci. En revanche j’aimerais assez voir où tu en es dans ton scénario. Tu as avancé ?
- Oui. Je vais le chercher, j’en ai pour quelques secondes. »

Il se lève de table, et se dirige vers sa chambre. Lorsqu’il revient il pose un nouveau script devant moi. Le papier est couvert d’annotations en tout genre.



Colin VETTIER