mardi 9 décembre 2008

La Circonférence de l'Amour - Chapitre 21

Il est tard quand je pousse la porte de chez moi. Peut-être un peu trop.
Je m'arrête dans le couloir qui me sert d'entrée. Ouf ! Ce soir j'ai mis mes mocassins. Je les déchausse d'un mouvement expert du pied. Chose que je n'aurais pas pu faire avec mes bottines. Ces saloperies m'ont couté un bras, et tout ça pour quoi ? Pour que je passe un quart d'heure à les enfiler, et autant pour m'en défaire. Parfois plus, en fonction de l'épaisseur de mon sang.
Habituée à rentrer alcoolisée, je ne prend même pas la peine d'allumer la lumière. Je jette mon sac directement sur le canapé du salon. Au bruit amorti qu'il émet à son atterrissage, je déduis que pour une fois, je n'ai pas raté ma cible. La lampe qui trône à côté du canapé passera une nuit de plus.
J'entre dans ma chambre. Toujours dans la pénombre la plus complète, je me déshabille. Les premières couches s'affaissent au pied de mon lit. Je fini de m'éplucher en expédiant mon soutient-gorge dans la direction approximative de la chaise / porte-manteau. Le reste – et ce n'est pas grand chose – glisse le long de mes jambes pour s'écraser mollement sur le sol.
Le lit qui me tendait les draps, accueille mon corps nu d'un grincement de satisfaction. Je me fond en lui. La douce caresse du tissus sur ma peau nue m'apaise et me renvoi quelques années en arrière.
J'étais alors en licence. J'avais rejoins mon petit ami à une soirée Erasmus. Erasmus en langage étudiant ça veut dire destruction d'un endroit habitable par une tribu surnuméraire d'étudiants avec un peu de sang dans l'alcool. C'est aussi synonyme d'orgie alcoolique, et d'horrible gueule de bois. Cette soirée, je l'avais passée à explorer un champs lexical décliné en degrés d'alcoolémie. Les souvenirs que j'en ai sont légèrement diffus, noyés dans le vert d'une absinthe bon marché. Liquide qui avait eut raison de mon compagnon, forcé de quitter la fête sans demander son reste pour éviter d'être malade devant sa bien aimée. Je l'ai vu partir en courant. A condition que l'on considère comme courir, le fait de tituber rapidement de droite à gauche en tentant de filer droit.
Je l'ai donc regarder tanguer jusqu'à la porte de sortie. C'est avec quelques remords que je l'ai laissé filer. De toutes façons, j'aurais été bien en mal de le raccompagner, étant moi même dans un état lamentable. A peine avais-je mis un pied chez moi qu'il m'a fallu courir vers les toilettes. C'était la première fois que je vomissais d'avoir trop bu. Les spasmes qui secouèrent mon corps pour en expulser le poison verdâtre, je les sens encore.
Je ne lui ai avoué que quelques semaines plus tard que moi aussi j'avais été malade. Par fierté. Et pour préserver mon image de petite fille sage que je voyais reflétée dans ses yeux. En fait, il ne s'agissait pas vraiment d'une image. J'étais cette petite fille sage qui n'avait jamais goûté aux délices de la chair.


Colin VETTIER

jeudi 6 novembre 2008

La Circonférence de l'Amour - Chapitre 20-3

Nous ressortons, un peu désœuvrés. Dehors de jeunes gens occupent bruyamment une terrasse improvisée. Selon toutes vraisemblance, le degré d’ébriété du groupe a atteint un stade avancé. Suffisamment pour leur tirer des beuglements incompréhensibles que ne couvrent pas les bruits de verres brisés et de mobilier malmené.
Le temps de réfléchir à une solution de replis, nous sommes assailli par un homme d’une bonne trentaine d’années. Non, plutôt quarante. Dynamique, plutôt classe et passablement saoul quoique largement clairvoyant. Après m'avoir mouché sous prétexte que je suis une femme, il s’adresse à Christophe : « Le XXIème siècle tu sais ce que c’est ? »
Conscient de l'état d'alcoolémie avancé de son interlocuteur, Christophe hésite :
« Heu, non mais je sens que tu vas me le dire.
- Parfaitement, le XXIème siècle c’est le siècle de la femme !
- Ah ? Comment ça ?
- Tu veux que je t’explique de quel point de vue ? »
Il ne fait aucun doute que l’énergumène attend que le mot magique soit lâché. Le mot qui lui permettra de déverser un flot de paroles passionnées. Ce sésame, c'est bien sûr « sexuellement ». Christophe tente d'éviter le sujet.
« D'un point de vue sociologique ? »
Sans succès.
« Ah, t’es sûr que tu préfère pas que je t’explique pourquoi le XXIème siècle sera celui de la femme, sexuellement ? »
Il sourit et acquiesce. Non pas que cela le gène de parler sexualité avec un parfait inconnu – j'ai souvenir d'avoir partagé quelques conversations particulièrement impudiques – cependant, il semble appréhender quelque peu la réponse.
Il fait plutôt froid, et la perspective de se voir expliquer comment la vie maritale d’un aîné peut-être aussi palpitante qu’un film de Lelouche, ne l'enchante que partiellement.
« Les femmes d’aujourd’hui, elles ont toutes des sex-toys. Et nous dans tout ça ? A quoi est-ce qu’on sert ? »
Merde !
Il est vrai que les jouets sexuels pénètrent petit à petit les mœurs de la femme du XXIème siècle. Cadeau coquin, blague d'étudiant, ou accessoire de mode, nombreuses sont celles qui en possède un. En général bien au chaud dans un placard, caché entre deux pulls. Il y a quelques années, une amie m'a offert un vibromasseur. J'ai d'abord trouvé l'intention plus que douteuse. Puis avec le temps, ce “petit” objet s'est révélé très utile.
Pour autant, faut-il tirer la sonnette d’alarme – à défaut d’autre chose ? Est-ce là la mort annoncé du phallus en tant qu’organe biologique ? Cette question, j’en suis sûr, en inquiète plus d’un. Pourtant ce serait prendre une pompe a essence pour un puis de pétrole.
Si les lapins vibrants, boules de geishas et autres godemichés à la taille imposante, sont aujourd’hui parfaitement intégrés à la garde robe de toute femme moderne, ils ne sont en fait qu’une nouvelle forme de distraction. Une sexualité alternative en quelque sorte, honteuse jusqu’alors, elle s’est depuis largement démocratisée.

Depuis la nuit des temps, les hommes se masturbent, alors pourquoi pas les femmes ? Parce que cela embêterait bien ces messieurs, ils se sentiraient parfaitement inutiles et n’auraient d’autre solution que de partir la queue entre les jambes. Dans une société phallocrate jusqu’au bout du membre, ce serait un comble. La bombe nucléaire, l’encombrement des déchets radioactifs, le réchauffement de la planète… tout le monde s’en fout. Cela ne fait plus peur qu’à quelques activistes à qui il reste encore un semblant de conscience citoyenne et écologique. Par contre, l’avènement du vibromasseur, tout le monde en tremble !
Le XXIème siècle sera celui de la femme à n’en pas douter. De la femme libérée, de ses tabous, aux mœurs un peu plus légers. Le XXIème siècle sera celui de la femme vivante, ou ne sera pas. Ce siècle : il sera mien.

Colin VETTIER

La Circonférence de l'Amour - Chapitre 20-2

Une heure plus tard nous sommes tout les trois réunis. Ils parlent de leurs couples, me rassurent à demi mots. Les verres vides s’accumulent doucement sur la table.

Un groupe d’étudiants ostensiblement alcoolisés entrent dans le bar, et commandent deux mètres de vodka. Le patron, qui observait la scène, s’approche.
« Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Vous n’êtes pas ici pour boire comme des trous et vomir dans une demie heure. »
Comme l’ambiance s’échauffe, nous décidons de vider les lieux. Au moment de régler, l’un des jeunes hommes du groupes saisi le bras de Christophe.
« Tiens mec, bois un verre avec moi. » Il lui tend un shooter de vodka. Christophe s’en empare amusé et jette un « à la tienne Etienne » amical. Son ami d’un soir le regarde surpris, ses yeux brillants écarquillés.
« Comment t’as deviné que je m’appelais Etienne ?
- C’est pas vrai ? » lâche Christophe incrédule. « Tu t’appelles vraiment Etienne ? »
- Ouais. Depuis que je suis né, même.
- Merde alors ! »
Ils trinquent, tout deux amusés par la situation.

L’air frais qui nous accueille à la sortie est vivifiant. J’inspire une grande bouffée et l’exhale doucement. 
« Et maintenant, où est-ce qu'on va ? 
- Le Safari non ? C'est un peu loin, mais c'est probablement le seul bar où on sera tranquiles un jeudi soir. »
Peu attirés par l'idée de nous retrouver noyés dans une houle estudiantine alcoolisée, nous acceptons la proposition avec joie.
Après quelques quinze minutes de marche à pied, nous arrivons devant le bar en question. “Lounge” annonce la devanture en grande lettres roses. En Français, cela signifie “Bar équipé de canapés fréquentés par une population ayant une conscience de la mode proche de l'omniscience”.
Le rez-de-chaussé de l'établissement convoité est plein a craquer. Nous nous dirigeons donc vers l'escalier. Là un vigile équipé d'un costume et d'un centaine de kilos de muscles nous barre le passage.
« Pas possible. Réservé. »

Mince.


Colin VETTIER

jeudi 30 octobre 2008

La Circonférence de l'Amour - Chapitre 20-1

Petite introduction : ce vingtième chapitre, qui sera coupé en 2 ou 3 parties, raconte une soirée que j'ai personnellement vécue. Certains et certaine peuvent en témoigner. Sur ce, bonne lecture.

Il est 20 heures quand XXX s’en va. Ma vessie semble sur le point d’exploser tant nous avons éclusé de thé.
Il me reste une heure environ avant que François et Christophe ne viennent me chercher. Une bonne douche, quelques traits de crayons, et je serais en état de sortir. Peut-être que je rencontrerais un bel homme ce soir. Comme il faut toujours être prêt à faire face a l’adversité, et à toute situation, j’attrape un sorti et son soutien gorge assorti. La robe noire me paraît de circonstance : son décolleté plongeant, sans être provocant s’avère généralement efficace.
Lorsque je sors de la douche, ma peau dégage une douce vapeur. Je me regarde dans le miroir. Je secoue la tête pour dégager les mèches de cheveux collées à mon visage. Est-ce que je suis si moche que je ne trouve pas de petit ami, même pas de partenaire de galipettes ? Quelques petites touches de couleurs et cela fera l’affaire pour ce soir.

21 heures, je ne suis pas encore prête que la sonnerie retenti déjà. Je manque de m’en enfoncer le crayon dans l’œil. Je vais ouvrir. Christophe entre dans l’appartement en lançant un « bonjour ! » plein d’enthousiasme.
Il s’arrête un instant dans sa lancée, me regarde de bas en haut avant de se fendre d’un immense sourire.
« Toi, ce soir tu ne veux pas rentrer seule. »
Je rougis.
« En tout cas tu es très belle comme ça. Ce serait du gâchis que tu ne trouves personne. »
Même si l’intention est louable, la phrase me met le nez plus profondément encore dans mon célibat. Si je suis jolie, gentille, pourquoi est-ce que je suis toujours célibataire ? Et pourquoi est-ce que ce sont toujours des hommes en couple qui me font ces compliments ?

Colin VETTIER

dimanche 26 octobre 2008

La Circonférence de l'Amour - Chapitre 19-2

Scène 9 : Intérieur – Chambre du Palace



J.-C. :
Silence !

Il frappe deux fois dans ses mains puis se tourne vers le chef op’ en lui faisant signe de la tête.

Chef op’ :
Ca tourne !

Le chef op’ enclenche un bouton poussoir sur la caméra et la cassette commence à se dévider.

J.-C. :
Et… Action !

Trois secondes plus tard, les acteurs entrent en mouvement.
Ron enlève sa ceinture d’un geste souple du poignet, puis baisse son pantalon, alors que Félicia s’agenouille devant lui. Le jeune homme laisse alors son sexe jaillir de son caleçon.

Félicia [interrogatrice, les yeux levé vers Ron] :
Tout ça pour moi ?

Elle prend le sexe dans sa bouche quelques instants. Elle laisse échapper la verge, provocant un « plop » mouillé.

Félicia [une lueur de malice dans le regard] :
Quel gros plaisir !

* * *

« Houlà. Tu comptes vraiment mettre ça dans un film qui est sensé être une histoire d’amour ? Je veux dire est-ce que ce n’est pas un peu trop ?
- Pourquoi donc ? L’amour c’est le sexe. Et l’utilisation d’une scène a caractère pornographique pour présenter le mal être de mon personnage me semble tout à fait à propos. Je ne serais pas le premier, ni le dernier à le faire. John Cameron Mitchell l’a fait et les critiques l’ont adoré ! Shortbus, ce n’est rien d’autre que de la pornographie grand public, avec pour toile de fond des questions existentielles sur la sexualité. »
Cette scène où Ron, en pleine orgie, ne peut détacher son regard de la jeune Emie m’a frappé. Du sexe explicite ? Pourquoi pas finalement. Le personnage principal d’XXX est tellement ambigu que cela ne ferait que renforcer son aspect marginal. Le voir crever de désir pour une personne qui assiste à ses ébats a quelque chose de superbement toxique. Une relation mort-née en laquelle l’on aimerait pourtant croire.
Tout le monde a envie de croire en l’amour. Les enfants on besoin de croire au père noël, les adultes en l’amour. C’est comme ça, c’est dans l’ordre des choses. Nous rêvons tous d’un princesse ou d’une princesse qui nous attendrait au coin d’une rue pour nous arracher à notre quotidien gluant. Pourtant, dans les faits, c’est rarement aussi simple.

Ses doigts ont attrapés un stylo, qu’ils triturent avec énergie. A quoi pense-t-il ?


Colin VETTIER
P.S. : Merci à Fanch' pour la photo.

mercredi 15 octobre 2008

La Circonférence de l'Amour - Chapitre 19-1

Nous arrivons chez moi aux environs de 15 heures.
Je remplis la bouilloire puis la pose sur son socle. Le bruissement de l'eau en l'ébullition ne se fait pas attendre. J'emporte deux tasses de thé fumantes au salon et en pose une devant XXX. Commence alors une (re)lecture du scénario.

* * *


Scène 8 : Intérieur – Chambre du Palace

J.-C. :
Bon, tout le monde est prêt à ce que je vois. On commence soft. Toi, le grand brun

Il fait un geste du pouce vers l’homme en question.

J.-C. :
– John, ouais, c'est ça – tu commence les préliminaires avec Julia. Vous faites le programme habituel, et ensuite Ron vous rejoint puis Félicia et on finit comme ça.
Des questions ?

Les acteurs se regardent les uns les autres en haussant les épaules.

J.-C. :
C'est bien ce que je pensais.

Il claque dans ses mains.

J.-C. : Allez, hop, à poil ! Tout le monde est passé au maquillage ? Bien, faites chauffer les caméras, échauffez vous, on commence dans dix minutes.

* * *


“Là tu vois, je verrais bien une série de gros plans sur la préparation en question. Une alternance entre les acteurs qui se préparent – gros plans sur des vêtements qui sont retirés, des préservatifs ouverts, des lubrifiants débouchés – et les techniciens qui apprêtent le matériel – des fils tendus, des prises branchés, des vérifications techniques. Le tout présenté de façon assez martiale. Peut-être même avec une bande originale dominée par des roulements de caisse claire. Qu'en penses-tu ?
- L'idée est sûrement très bonne, mais ce n'est pas le plus important pour l'instant. Pourquoi ne pas continuer le scénario, et voir cela plus tard ?

* * *



Colin VETTIER

mercredi 8 octobre 2008

La Circonférence de l'Amour - Chapitre 18-2

Sur le chemin du retour, quelques questions me brouillent l'esprit :
“Ça fait déjà quelques temps que je viens te chercher sur tes tournages, et je me suis habitué à voir des couples – parfois même des groupes – avoir des... mais là, je ne sais pas, j'étais comme attirée, aimantée. Je ne pouvais pas décoller mes yeux de leurs corps, comme si un instinct animal s'était emparé de moi. Tu me connais, je ne suis pas –
- Rien à voir avec un instinct animal, bien au contraire, c'est une réaction parfaitement humaine. Je dirais même civilisée. Ce n'est rien d'autre qu'un spectacle émouvant auquel tu viens d'assister. Pourquoi t'encombrer l'esprit de questions imbéciles ? Laissent les aux puritains et aux handicapés sentimentaux et sexuels. Profiter d'un spectacle qui plait n'a jamais fait de personne un criminel.
- Peut-être, mais il s'agissait de deux être humains en train de s'adonner à des plaisirs intimes.
- Non, à des plaisirs que la morale a décidée intimes. Les personnes généreuses partagent toutes les bonne choses, y compris leur sexualité.”
Il pose sa main sur mon épaule et s'adresse à moi d'une voix rassurante : “allons, t'en fait pas, si tout ceux qui apprécient ce spectacle étaient des désaxés, tout les adolescents seraient des psychopathes en puissances.” Une pause. “Tout les hommes aussi en fait.”


Colin VETTIER

P.S. : je profite de ce billet un peu plus court que la moyenne pour vous annoncer qu'il ne reste plus que cinq chapitres (dont un de taille conséquente, et un autre de 5 lignes) avant l'arrêt de l'écriture. Alors c'est le moment de faire tourner ce blog, de l'afficher partout, et de me dire combien vous avez aimé... ou pas.
P.P.S. : en ce qui concerne la photo, je la dédie à tout ces geek qui tombent par hasard sur mon blog.